samedi 12 septembre 2009

Premier week-end, premières grandes voies


Dans la quatrième longueur de VMC directe, un 5.11/6B fin et exigeant.

Anachronisme des vacances – après seulement quelques jours de cours, un week-end de trois jours nous fut offert, au grand bonheur des étudiants de premières année qui on pu écumer les allées d’IKEA, quelle chance. Etant désormais en seconde année (et oui !), la corvée « meubles » est derrière moi, et j’ai pu en toute bonne conscience reprendre contact avec mes potes physiciens d’Harvard.

Nous sommes samedi, il est 19 heures, coup de fil de inattendu de Frank (ce mec aussi génial qu’il soit est incapable de prévoir quoique ce soit de manière construite) « Thomas, let’s leave right now, we’ll climb at cannon this night, it’s a full moon nigh, we simply cannot miss it ! ».

Cannon ? C’est le plus grand mur de la côté Est, un big wall de plus de 250 mètres composé d’un rocher de qualité inégale voire franchement instable à certains endroits, dont la réputation n’a d’égale que les exploits qui s’y sont déroulés dans la seconde partie du XXème siècle. Je n’y ai jamais grimpé, mais connais comme tout le monde la fameuse « VMC directe », superbe voie réalisée en 17 longueurs dans les années 1970 en escalade artificielle, une belle performance à l’époque pour les grimpeurs de nouvelle Angleterre (on faisait déjà bien plus dur dans les alpes, mais n’insistons pas). Cannon, je n’y ai encore jamais mis les pieds, mais je suis passé devant plusieurs fois avec Jonathan l’hiver lorsque nous allions faire de la cascade de glace dans la région. C’est un des deux canyons par lequel l’air glacé venant du Canada se déverse vers le sud, après s’être frotté aux flancs abruptes du Mont Washington – un venturi pour le mon rafraîchissant, donc.

On saute donc dans la voiture, et vers 23 heures, nous retrouvons Mike et Ryan sur le parking, deux amis Américains que j’avais croisé à Rumney l’année dernière. Nous ferons deux cordées dans une voie facile de 8 longueurs, à la lueur de la lune- et de la lampe frontale. La marche d’approche est délicate, dans un pierrier instable, et mon genou droit blessé cet été me fait mal. Peu importe, nous continuons et nous engageons sans plus tarder dans les premières longueurs (faciles) avec enthousiasme. Peu à peu, la lune se révèle et nous éclaire, nous éteignons les lampes. Quel bonheur ! Nous nous retrouvons tous les quatre aux relais pour contempler le ciel alors que la falaise se dérobe peu à peu sous nos pieds. Pas de vertige cependant car l’abîme non encore éclairée par la lune est d’un noir profond qui ignore le vide.

Sommet. Il est deux heures du matin. Je suis heureux.


Après l'effort...

Le lendemain, le lever est un peu dur (nous partirons donc dans l’après-midi) mais nous décidons avec Frank de nous attaquer à la fameuse VMC directe. 8 longueurs en 6B/C max (la voie se fait en libre depuis les années 1980), quasiment entièrement sur coinceurs, pas de relais en place. Nos deux amis feront quant à eux une voie parallèle. Frank n’est pas trop à l’aise sur ce terrain, alors je prends la tête, un peu anxieux au début puis de plus en plus cool au fur et à mesure que nous déroulons les difficultés. En haut de la septième longueur, la nuit tombe, et je finis l’escalade (plus facile sur le haut) à la frontale. Nous nous retrouvons tous les 4 congelés au sommet avec un seule frontale (sic), la lune n’est pas encore montée et nous n’y voyons rien. Pas question de descendre par le sentier en chaussons, nous nous lançons donc dans un rappel mémorable le long de la face que nos amis avaient heureusement emprunté quelques jours avant. La descente est parfaitement verticale et se déroule par tranches de 70 mètres le long de nos cordes nouées bout à bout. Nous naviguons de nuit dans un océan de rocher, guidés uniquement par la corde qui plonge dans le vide. Parois, les rappels traversent et il faut viser le point d’arrivé éclairé par la frontale prêté à celui qui est descendu en premier, au milieu de nulle part. Grandioses impressions de liberté, nous sommes seuls dans notre univers… Nous chantons pour nous réchauffer, ça blague sec aux relais. Dans le lointain, une voiture fait des appels de phare – nous apprendrons plus tard que la police a reçu 5-6 coups de fil de conducteurs s’étaient inquiétés à la vue de notre frontale qui descendait dans la nuit le long de la plus grande falaise de la vallée. Nous, nous sommes bien, les jambes ballantes, pendus à nos relais puis voguant d’un point à un autre. Descendre parce qu’il fait froid et qu’on a faim, mais nous aurions pu continuer ainsi sans jamais nous arrêter…

Nous avons fait deux voies côte à côte; ici Ryan et Mike.


En tête dans la seconde longuer de VMC directe, c'est fin et fissuré.

Retour aux études


Dans un "virtuoso team", il faut des experts. Guillaume a pour sa part, beaucoup contribué à la réussite artistique de notre projet, réhaussant le moral de l'équipe en fin de soirée.

Et oui, après 3 mois de vagabondages Parisiens puis Provençaux, il était temps de mobiliser mon intellect endolori par l’altitude (certes modérée, mais tout de même) des mes aventures montagnardes du mois d’Août. Bonne nouvelle, les cours ont repris il y a dix jours, et mon rythme désormais familier (cours + escalade + lecture + sieste) s’est rétabli surprenament vite.

Arrivés la veille de la rentrée, nous avons eu la belle opportunité de nous ré-acclimater à notre appartement en nous régalant de 10 heures de ménages avec Loeiz pour nettoyer notre cocon sous-loué pour l’été à deux jeunes étudiantes d’Harvard qui visiblement n’ont pas la même conception que nous de la propreté…

Heureusement, tout de suite, passés les discours de rentré (« Be selfish, this is YOUR year, focus on YOURSELF ! nous a dit le directeur du programme MBA, avant de tout de même glisser vers la fin un timide « But dont’ forget other people on campus, though»), il a fallu s’assoir de nouveau dans des amphis remplis de 90 élèves et… lever la main pour faire des commentaires les moins inintéressants possible, puisque c’est le jeu. Amphis pleins, mais vidés tout de même d’environ 5% de la promotion, puisque les commentaires de certains n’étaient visiblement pas assez bon pour leur permettre de rentrer en seconde année, et parce que d’autres ont préféré prendre une année off, sûrement pour digérer la profondeur de notre apprentissage de première année. Mais j’avoue que c’est agréable de retrouver les copains de la section H, même si nous sommes désormais séparés puisque chacun choisi ses propres cours. Pour ma part, j’ai un mix d’entreprenariat, de finance, d’Healthcare, d’Histoire et de leadeship - je suis assez content du programme que j’ai pu obtenir, sentiment assez général finalement.

Cela dit, un bon commentaire, ça se prépare, et il faut parfois faire des modèles pour y parvenir, vu que c’est l’objet de certains cas…. Pas de modèle, pas de commentaires, et je m’étais résolu à me positioner de manière plus « qualitative » que « quantitative », quitte même à ne rien dire du tout pour mon premier cours de redressement d’entreprises en difficulté. En effet, ce cher professeur nous avait annoncé que les trois premières semaines seraient un peu « spéciales » et qu’il nous faudrait environ 10 heures d’effort pour parvenir à produire ce premier modèle, dont l’énoncé il est vrai, n’était pas très exicitant… Mais mercredi en fin d’après midi, la veille de ce premier cours donc, j’eu l’honneur et la chance de reçevoir le mail suivant de mon nouveau professeur:

Dear Thomas

Would you and your team be willing to present and discuss your model for Bonne Chance (sic!) in class tomorrow? If you could send me a copy of your model by midnight, I will make a copy for the computer in the classroom. Let me know who else has worked on this so you can all get credit.

Gros blanc… Je me suis même dit un (court) instant que décidément la vie d’étudiant n’est pas un métier facile, comme dirait Philip’. Est-ce possible de craquer le truc dans les 5 heures qu’il me reste ? « Getting credit », c’est à priori mal barré…

Heureusement, les deux Geeks que sont Guillaume et notre « Président » (nouveau surnom de Quentin, président du club des francophone à HBS depuis cet été, la classe), ainsi que Loeiz, se sont joint à moi pour constituer ce que notre prof de Ressources Humaine appelle un « Virtusoso team » (c'est-à-dire temperamental and egocentric people, hard to deal with and able to ignitiate a fatal explosion in the team, but expert in their field – ça me rappelle d’ailleurs la biographie de Led Zeppelin que j’ai lu cet été et qui fera sûrement l’objet de mon commentaire pour ce cours lundi : « it’s gonna groove ! »). Nous avons donc passé une « excellente » soirée à travailler tous les quatre sur le modèle, projeté dans le salon sur grand écran (d’habitude, on regarde plutôt des films…) que j’ai donc pu envoyer dans les temps et présenter sans (trop) me prendre les pieds dans le tapis le lendemain matin devant un amphi remplis de gens qui devaient se dire « il a pas de bol ce mec, il avait 3% de chance de se faire interroger… vraiment pas bol ! »).

Quentin est perplexe, sa formule d'ingénieur plante... mais quel génie tout de même!

Bref, la vie repart de plein pied, on ne s’ennuie toujours pas sur le campus et je compte bien profiter autant que je peux de ce qui devrait être une belle année avant… de retourner travailler….

Guillaume, l'autre ingénieur de groupe, a fait marcher sa formule. Magique.