jeudi 11 mars 2010

Combien ça coûte, une vie ?


Je me rappelle m’être posé cette question très tôt dans ma jeunesse, non pas parce que j’étais  très en avance sur mes collègues (c’est Margot, la prématurée de la famille, pas moi), mais parce que ça me semblait bien compliqué… Je me rappelle aussi très bien de la réponse qu’on m’avait donnée à l’époque : « Je ne sais pas.  Peut être. Tu verras…Cesse de poser des questions stupides ».

Cette question revient au galop ces jours-ci, alors que les politiciens Américains s’écharpent sur la question de la réforme du système de santé-qui  à priori ne devrait pas passer vu le climat politique actuel (j’espère que l’avenir me donnera tord cela dit). Question d’autant plus brûlante que des boîtes comme Genzyme on fait et font leur fortune sur des médicaments qui sauvent des vies, mais à prix d’or. Ainsi, Cerezyme, médicament qui permet de sauver la vie de patients atteints du Gaucher’s disease, une maladie héréditaire rare qui touche en particulier les enfants, génère plus de 1,2 milliards $ de vente pour seulement… 4 000 patients. Les maths sont rapides, ça coûte 300k$ par an et par patient  au système de santé Américain. C’est cher – mais il faut noter que bien que Genzyme ait (par le passé, ils ont quelques soucis en ce moment) fait de « jolis profits » avec ce médicament, les coûts de son développement se sont élevés à plus de 500M$, sans compter la R&D non productive qui a été lancée en parallèle pour s’attaquer à cette horrible maladie.
Pour lancer le débat donc, citons le patron de BioVision, himself (plus inspirationel les rédacteurs de de L’équipe):
« Saviez-vous qu'il existe sur le marché français (…) 3 médicaments qui coûtent plus de 1M€ par an et une vingtaine qui coûtent plus de 100.000€ par an ? En vertu de la loi qui prévoit que personne ne peut subir de perte de chance, la Sécu est obligée de rembourser ces traitements si prescris sinon le ministre va droit au pénal (…) ». Et de rappeler que 1M€, c’est le coût de ~15/20 infirmières à l'hôpital.
Alors, comment arbitrer ? Jusqu’à combien peut-on/doit-on dépenser pour sauver une vie ? La question n’est pas que théorique, et j’imagine que la réponse diffère suivant que l’on a un enfant en bas âge atteint de la maladie de Gaucher en question ou que l’on est jeune et en bonne santé avec la vie devant soi... Notons que comme en France, les Etats-Unis ont une politique qui –pour l’instant- ne regarde pas à la dépense. Contrairement à nos amis Anglais.

Ainsi en Angleterre, pays du libéralisme (ils n’ont pas seulement eu Tatcher, mais aussi A. Smith, Ricardo etc.. enfin bon, on est d’accord) un organisme, le NICE, est en charge des arbitrages de remboursement. Il s’agit essentiellement de déterminer quels médicaments/solutions médicales apportent le plus aux patients, et donc de comparer le ratio efficacité/coût. Ainsi, pour décider si un médicament doit ou non être remboursé par le système, une approche répondant à au doux acronyme de « QALY » a été mise en place. Je fais court : un an de vie en bonne santé vaut 1, en moyenne santé 0,5, et en mort, 0. Pour mesurer l’apport d’un nouveau médicament, on regarde simplement le nombre de QALY qu’il apporte (e.g. si je prends ce traitement anti-cancer, je gagne  3 ans de vie versus si je ne prends pas de traitement, dont deux en bonne santé et le troisième pas top, le traitement apporte donc 2,5 QALY). Grâce à cette méthode, il est possible de comparer l’apport de traitements et de le comparer à son coût et donc… de prioriser l’allocation des fonds du NHI. Ce qui est intéressant, c’est que NICE relie une valeur financière au nombre de QALY apporté, et c’est là que l’analyse, à mes yeux, se corse. La règle est qu’en moyenne, un médicament qui apporte 1 QALY, soit une année de vie en bonne santé, peut-être remboursé à hauteur de 50 k$ maximum.  Donc un médicament anti-cancer comme l’Avastin (développé et commercialisé par Genentech/Roche), qui a de bons résultats médicaux sur la population cible, n’est… pas remboursé en Angleterre. En effet, 
« For colorectal cancer (…) bevacizumab –le petit nom d’Avastin- extended life by 4.7 months (20.3 months vs. 15.6 months) in the initial study, at a cost of $42,800 to $55,000” soit près de 100k$ par QALY. 
Ça ne passe pas en Angleterre. Rassurons-nous (ou pas, c’est suivant le point de vue), ça passe en France et aux Etats-Unis, où le déficit de CMS (organisme qui gère Medicaire et Medicaid) est phénoménal et grandissant, et ne peux désormais plus être ignoré. Est-ce d'ailleurs nécessaire de parler des finance de notre chère et très valable sécurité sociale ?


Notons que cette “limite” de 50k$ n’est pas officielle mais officieuse. Remarquons aussi que l’UK dépense environ ~9% de son PNB en dépenses de santé (vs. 10% en France et Allemagne, et ~16% au Etats-Unis) et qu’l y a une réelle volonté de freiner les dépenses de l’autre côté de la manche. D’ailleurs, les dialyses (50k$ par an) sont totalement remboursés aux Etats-Unis, bien plus qu’en Angleterre, les personnes les plus âgées se voient en général refuser la procédure…

C’est un drame de ne pas donner un traitement existant à un patient pour une simple et bête question de coût. La vie est ce qu’il y a de plus cher. D’un point de vue marginal, elle n’a pas de prix. On paye des millions pour libérer des otages, quelque soit leur âge, sans se demander s’il l’enjeu est de 5 ou 20 QALY. Mais d’un point de vue plus global, il est clair que la question se pose. Combien de notre GDP peut-il être affecté aux dépenses de santé ? Et à l’éducation ? Et à a guerre ? 

NB : Allez, un petit calcul amusant : si on vit en moyenne 80 ans, et à 50k$ l’année de vie, chacun de nous vaut 4 million de $ au maximum aux yeux de NICE. Si on considère ~60 millions de Français, la « valeur » de la population Française est de 2,5x10^13$, soit en très gros 10 fois le PNB de la France. Si on discount ce PNB à un taux de 10%, l’analyse dit que la valeur financière de la France (10 fois sont PNB donc) est strictement égale à la valeur de sa … population, et le reste ne vaut rien. Marx aurait aimé le calcul, je pense pour ma part que nos amis économistes me répondront que l'analyse de NICE n’a de valeur que marginalement ! Jean-Yves ?

Supporteur Lyonnais expatrié, quel métier…

Vous le savez, et c’est désormais dans les livres d’histoire, dans l’Histoire avec un grand H même, l’OL vient de sortir brillamment le Real Madrid de la ligue de Champions, dans le vacarme du stade Espagnol de Santiago-Bernabeu. Citons l’Equipe (rare, mais tellement satisfaisant!) :
« Une pure merveille. Parfaitement inimaginable il y a un mois, rendue accessible par la victoire du match aller (…)  la qualification de Lyon pour les quarts de finale de la Ligue des champions aux dépens du Real Madrid a tonné dans le ciel de l'Europe ». Rien de moins.
Quelques mots, aussi, d’Emmanuel Petit, grand auteur et régulier chroniqueur de l’Equipe :
« (…) les Lyonnais ont pourtant été acculés par les Madrilènes qui voulaient se racheter par rapport à leur piètre performance de l'aller ». Tiens, moi aussi, je me rachèterais bien par rapport au fait que je fais des fautes d’orthographe dans mes billets… Passons, le style l’Equipe, c’est unique, et vous le saviez déjà.

Ce que vous ne savez pas, c’est que nous étions Guillaume et moi littéralement cloués devant l’écran de mon ordinateur hier après-midi, à tenter d’apercevoir en direct quelques images du match, par l’intermédiaire d’un site internet plus ou moins illégal nous donnant accès au direct télévisé des plus grandes chaînes européennes… Nous avons donc passé 90 minutes bien au chaud devant un mini-écran propulsé par un internet lentissime, apercevant tout juste par intervals irréguliers des images pixélisées d’une résolution digne des meilleurs écrans couleurs du siècle précédent, avec des pubs qui s’affichent et des pop-ups porno qui viennent à l’écran toutes les 30 secondes… Surtout, ne pas cliquer pour faire disparaître la pub intruse et simplement la subir, ne pas tout planter en tentant de « nettoyer » l’écran …. Faut être passionné.

Victoire, cependant - nos relances acharnées du stream inconsistant nous ont permis de l’admirer, ce but Lyonnais libérateur, à la 75ème minute, en direct ET au ralenti image par image (!) pour les raisons mentionnées précédemment. Le tout en espagnol, puisque le flux TF1 n’étais pas ouvert…
Bref, un grand moment, vécu par deux supporteurs enchantés, qui se prirent dans les bras l’un de l’autre avec passion au coup de sifflet final, libérateur, pour quelques instants seulement je l’admets. On ne rigole pas avec le « tactile », Guillaume est maintenant papa et je suis toujours étudiant, la communion (sous cette forme) ne peut se réaliser que dans un cadre footballistique, c’est certain.

A mon humble avis, l’accès illimité aux matchs de foot de l’OL en ligue des champions devrait être inscrit dans les droits de l’homme – à priori pas prévu pour demain au pays de Guantanamo. J’espère toutefois que nous aurons un peu plus que les deux prochains matchs à nous mettre sous la dent en 2010… On croise les doigts, et on chasse le « stream » !