vendredi 1 mai 2009

Tomber la main dans le bac !


… C’est ce qui m’est arrivé samedi dernier dans « Predator », un 8A sublime de Rumney.

Après avoir raté le flash, je suis reparti dans la voie, proue magnifique qui s’étend en deuxième longueur au secteur « Orange Crush ». Cette longue voie est assez psychologique, car il y a du gaz et quelques dégaines à sauter (trois dans mon cas) pour ne pas se cramer trop en mousquetonnant toutes les 30 secondes. Ambiance !

J’aime cette pression qui s’installe juste avant l’essai, avant de partir pour dix minutes de grimpe concentré uniquement sur la réussite de la voie. Je quitte le relais. Premier passage ; ne pas trop serrer les prises et s’économiser. Laisser couler les mouvements. Repos rapide, puis c’est l’entrée du devers à 45 degrés, et tout de suite le premier crux. Forcer ce qu’il faut, croiser, puis la réglette main droite, puis je saute la paire, monte le pied, saisi un plat main gauche. Respirer, se détendre, ne pas trop serrer les prises ! Cette partie se déroule sur le milieu de la proue, et je ne vois déjà plus mon assureur. J’entends des bruits qui montent, mêlés aux  cris des grimpeurs qui m’encouragent. Je me détends sur ces deux prises moyennes, clippe une dégaine, respire de plus en plus fort. Je sens l’acide lactique qui envahi mes veines, mes doigts sont déjà moins forts. Je m’engage dans le crux du haut, qui commence par un jeté aléatoire, où il ne faut surtout pas réfléchir, simplement écouter son intuition.  La prise d’arrivée est bonne mais éloignée, et la position de départ inconfortable. Je me lance, saisi le bac main droite, c’est fait ! En revanche, ça y est, je suis cuit, alors qu’il me reste encore quatre mouvements  délicats à négocier. Ma partie préférée : tout se joue dans ces derniers instants, où il ne faut pas douter, tout donner. C’est en général là où je m’exprime le mieux sur le rocher; quand il faut aller au delà de l’épuisement temporaire du corps et forcer, forcer encore, juste encore un peu plus…  Je suis cuit, je monte mon talon, je hurle, je remonte main droite, puis main gauche.

Le haut de la voie est assez technique avec un crochet de talon en sensation mal pratique, puis il faut se saisir d’un énorme bac pour clipper la chaîne – sans quoi, la voie n’est pas enchaînée. Mon bras droit est vide, je respire fort, je jette main droite. Ma main atterrie juste dans ce fameux bac, ultime, c’est bon ! Mais…

… impossible de serre ce trou – bien que ce soir la meilleure prise de toute la voie. Mon bras s’ouvre. Apesanteur, je suis léger, je vole. Pas de vertige, juste l’attente. Une, deux secondes… puis un léger choc à la taille, la corde me retient enfin. Encore un peu de mou et en un clin d’œil, je suis à côté de mon assureur… Mince alors, je viens de tomber au denier mouvement de la voie !

Je suis certes un peu frustré - c’est rare et toujours rageant d’échouer si près du but. Fini pour aujourd’hui, je ne récupérerai pas, même en me reposant une heure entière.

Cela dit, je me suis battu jusqu’au bout, complètement concentré sur mon escalade l’espace de cette montée. Rien d’autre en tête que des sensations de grimpe qui s’écoulent agréablement. Je suis heureux, car cette voie est magnifique ! Si je l’avais faite aujourd’hui, je n’y serai jamais retourné. Au lieu de ça, j’y ai pensé cette semaine dans mes moments d’absence, j’ai en tête tous les mouvements et j’ai en moi ce sentiment de grimpe qui s’écoule doucement. Heureux donc, d’y retourner dès demain, en tâchant cette fois de serrer cette dernière maudite prise !