vendredi 19 février 2010

Qu’est qu’un good «comment®»?


Me voila de retour à la tâche après une quinzaine de jours un peu plus tendue que d’habitude, pour cause de sur-activité sociales, sportives, et bien entendu académiques. Me voila donc reposé, et prêt à me pencher sur la question complexe du comment ®, pilier de l’enseignement à HBS.

Le comment®, c’est ce qui fait vivre la discussion pendant les 80 minutes de chaque cours, pas seulement l’écorce mais aussi la racine de la réflexion qui se passe sur le terrain, dans nos salles de classe, tous les jours. Bienvenu au cœur de l’excellence de l’enseignement l’Américain,  dans l’intimité d’un groupe d’étudiants à forts potentiels. Voici le secret de la réussite de ce sanctuaire du savoir et de la profondeur de l’insight, en marge de la Charles river dans les alentours de Cambridge,

Notons tout d’abord que le terme est précis ; on ne parle pas de « remarque », de « point » ou de « prise de position », surtout pas « d’opinion » ; le vocabulaire est précis, dans la culture d’HBS, c’est un comment®. Period.  Cette mise au point achevée, analysons maintenant les différentes typologies de comment®  qui existent-il y a heureusement plusieurs possibilités en terme de formulation, car à raison de 600 cas traités en deux ans, et en faisant l’hypothèse d’une centaines de comments® par class, c’est plus d’un demi-million d’exclamations qu’il nous aura fallu absorber, voire supporter, pendant toute la durée de l’enseignement. Autant dire que dans ce contexte, la recherche de la diversité n’est pas un vain objectif…

Je passe rapidement sur le « cold call », la question d’entrée posée par le professeur pour lancer la discussion. On notera rapidement tout de même que cela fait en général trembler les élèves, qui craignent  de se trouver un peu secs d’entrée,  face à une salle comble qui n’attend qu’une chose, « build on the first comment®  ». C’est vrai qu’il vaut mieux prendre une direction correcte dans les meilleurs délais, sous peine de recevoir une avalanche de « to push back a little bit on what you just said » ou un peu plus pushy « with all due respect, I don’t really agree with you », voire un bon « you’re wrong »  bien cynique à la Française.

Passé l’entré en matière donc, il y a cette première catégorie que je qualifierais de « plain » comment®, quick an easy, le truc facile de début de discussion en réponse à la question bateau du professeur à laquelle personne n’ose vraiment répondre, du style« what’s an inflation targeting policy ? », sachant que la réponse est écrite noir sur blanc dans le cas (même si personne n’a vraiment compris les implications du concept, mais dans les faits, peu importe). C’est pas mal quand on a parcouru le cas la veille un peu trop rapidement, ça permet de se rendormir tranquille… Mais ça peut être risqué en cas de « follow-up question ». Comme nous le disait notre prof. d’entreprenariat de première année, alors qu’il dinait à la maison hier soir « Je cherche les gens qui font ce genre de comment®, puis je vérifie dans un second temps qu’ils ont vraiment lu le cas. C’est comme ça que j’identifie ceux qui auront les mauvaises notes, hé hé hé… ».  On le voit bien, ce genre d’approche ne rapporte pas beaucoup de « points », et on risque en plus de se faire reprendre plus tard sur des sujets plus complexes. A éviter autant que possible, donc.

Plus délicat à faire, surtout pour un non English speaker, le comment®  consistant reprendre rigoureusement le contenu du comment®  en le reformulant élégamment sans surtout rien ajouter marche pas mal de ce côté de la rivière. C’est certainement le plus classique, avec un bon 50% de part de marché je dirais, très ennuyeux aussi pour la classe. Mais bon, on fait ce qu’on peut…

Il y a aussi la comment®  réalisé « sur la base de ma grande expérience pré-HBS, lorsque j’étais exactement dans la même situation que le protagoniste de notre cas (souvent, le CEO de Wall Mart ou le ministre des finances du Brésil…), j’ai fait X et Y et tout s’est bien passé parce que je suis trop fort ». C’est pas mal, sauf quand c’est fait trop souvent par la même personne, qui suggère ainsi avoir travaillé dans toutes les industries du monde et s’être trouvé par le passé dans toutes les situations possibles, ça perd un peu en crédibilité, à la longue.

Heureusement, il y a aussi le « game changing or ‘flipping’ comment®  », la spécialité de Loeiz cette année. « Je crois que nous avons une vision erronée du cas, il faudrait à mon avis prendre du recul –step back- et considérer ce problème sous un autre angle » ou plus bullish encore « Je ne vois pas bien ce dont on parle depuis 20 minutes, pourrait-on définir les termes plus précisément ? ». C’est high-risk, high-reward. Et quand ça fait flop, ça fait mal…. Loeiz a cependant été décoré l’année dernière pour ses prestations de haut vol, ce qui prouverait qu’à priori, il fait en général plus de flip que de flop…

Et puis il y a le comment®  basé sur des convictions profondes, des valeurs, une vision. Assez vite, on arrive bien à anticiper ce que va dire l’étudiant coutumier du fait. Ainsi, Quentin s’est spécialisé dans les comments® à tendance « socialisante » : « Les subventions aux investissements direct étrangers  en France, c’est pas bien. Ca génère une compétition malsaine qui favorise le dumping social. Travailleurs, travailleuse… » ou alors « On ne peut pas continuellement mépriser les opérations. Le monde ne tourne pas autour de la finance ou du profit… ». Quand en plus, les exemples sont systématiquement adossés à une même industrie, l’automobile en l’occurrence dans le cas de notre ami Quentin, ça devient franchement prévisible - mais c’est toujours un grand plaisir à écouter, surtout quand c’est formulé plusieurs fois dans des cours différents… C’est ce qu’on appelle « jouer sur ses propres atouts », et ça marche pas mal. Pour ma part, j’ai pas mal tenté de créneau « gauche un peu réactionnaire qui veut la démocratie en Chine », et ça m’a inégalement réussi. Le chute du capitalisme n’est pas pour demain…

Enfin et pour conclure, il y a tout un tas de comment®  non catégorisables et sans vraiment d’essence, qui s’intègrent tant bien que mal dans la conversation, remplisse les blancs, permettent les transitions… et se construisent les uns sur les autres sans trop de structure, mais facilitent le boulot du professeur, qui a bien besoin de remplir son cours. J’en suis l’expert, même si j’admets que Guillaume -qui s’apprête à se lancer pré-retraire pour cause de paternité prochaine- me fait franchement concurrence sur ce créneau, histoire d’assurer une note de participations correcte. Faudrait que je pense à me repositionner !

Bref, on s’amuse comme des fous de l’autre côté de l’Atlantique, let’s keep going and commenting, plus que trois petits mois malheureusement….